La Culture Générale et la Rhétorique pour décrypter les éléments de langage et les thèmes de campagne électorale (Printemps 2021)
Les six prochains mois seront riches de discours, de slogans, de « punch-lines » et de « petites phrases » destinés à alimenter le débat politique qui doit précéder le choix du Président de la République et celui des représentants de la Nation. Des mots, des formules vont faire la boucle sans nécessairement qu’on en rappelle la signification pourtant indispensable à la compréhension des intentions et des arrière- pensées des candidates et des candidats.
En essayant de suivre le rythme de cette actualité qui se révèle déjà trépidante, je vous propose simplement de nommer l’explicite et l’implicite de ces mots qui vont paver assurément notre quotidien.
1. Kärcher (Janvier 2022)
En 2016 la Société Alfred Kärcher avait déjà exprimé aux candidats à l’élection présidentielle de l’époque son souhait pour que son nom ne soit plus associé à une « question politique, polémique et négative portant préjudice à l’entreprise, à ses valeurs, à ses clients et à ses collaborateurs. » Lui faudra t’il cette année réitérer sa demande ?
Car il est question à présent en effet de « ressortir le kärcher de la cave » pour « nettoyer les quartiers » et « remettre de l’ordre dans la rue », selon la déclaration d’une candidate déclarée à l’élection présidentielle. Il s’agit là sinon d’une citation du moins d’une référence à un premier emploi du mot en 2005, par Nicolas Sarkozy alors ministre de l’Intérieur et qui annonçait sa volonté de nettoyer la Cité des 4000 « au kärcher », à la suite de la mort par balles d’un enfant de 11 ans de La Courneuve. La violence des faits avait suscité une violente émotion qui s’exprimait par une métaphore tout aussi violente. Car rappelons que le « kärcher » est un outil de nettoyage à haute pression qui utilise un jet d’eau d’une grande puissance pour décaper, « décrasser » les dépôts et revêtements les plus tenaces. En rhétorique, on appelle cela une métonymie : on désigne ainsi l’instrument par le nom de son inventeur, Alfred Kärcher en l’occurrence. Mais du même coup on effectue une métaphore en comparant implicitement les membres des gangs qui imposent dans ces cités leur loi à la crasse, la saleté. Le mot est d’autant plus fort que la consonnance germanique et la date à laquelle Alfred Kärcher invente le procédé et développe l’entreprise qui le produira jusqu’à aujourd’hui (1935) véhiculent des connotations particulièrement sombres.
Certes le mot revendique un héritage, celui d’une politique volontariste et ferme en matière de sécurité publique mais il installe aussi l’émotion et sa violence au cœur du discours.
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